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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/189

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El Arab

longue voiture faite exprès, les pleureuses (de quand datent-elles aussi, celles-là ?) recroquevillées, tassées les unes contre les autres, agitent en cadence des petits mouchoirs noirs tout trempés déjà de leurs larmes rétribuées.

Mère des dieux, terre farcie de momies fabuleuses, l’Égypte se devait, plus qu’aucun autre Orient, de laisser subsister chez son peuple cette case du merveilleux qui permet pas à la réalité de prendre toute sa triste place dans la vie humaine.

Une fois de plus j’affirme que je n’arrange rien. Mais voici, flânant un jour dans le Vieux Caire, ce que nous y découvrîmes, exactement en une heure de temps.

Peut-être pour nous reposer un instant du soleil et de la poussière, nous entrons dans cette petite mosquée de peu d’apparence. L’imâm s’avance aussitôt vers nous. Aux premiers mots arabes de mon compagnon, il se fait empressé, tout animé, même, d’une fierté bien légitime.

Cette colonne que nous voyons là, c’est à la Mecque qu’elle se trouvait autrefois. Un jour le Prophète lui a dit : « Colonne, tu vas t’envoler et aller te placer dans mosquée du Caire. » (Celle dans laquelle nous sommes présentement, c’est-à-dire la mosquée d’Amrou.) Mais la colonne a refusé d’obéir. Alors le Prophète a pris sa cravache, et l’a frappée. Voilà, bien visible dans le marbre, la marque de la cravache, nous pouvons le constater de nos propres yeux. La colonne, ainsi corrigée, s’est mise à pleurer. (Comment pleure une colonne, l’imâm ne le dit pas.) Alors le Prophète l’a flattée de la main en disant : « Ne pleure pas, ô colonne ! » (ici la marque de sa paume), et la colonne enfin, s’est envolée, et la voilà pour toujours à cette place.


Sortis de la mosquée d’Amrou, nous poursuivons notre chemin dans le Vieux Caire. Cette fois c’est une tribu