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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/222

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Le Caire

de la caverne claire-obscure ; le quatrième quart était rempli par une estrade recouverte de tapis, pourvue de larges divans, parmi les coussins desquels s’allonger pour suivre de près la préparation des festins.

Ce fut pourtant au milieu d’un tel décor que le chef de la confrérie nous le déclara gravement :

— Nous autres, nous sommes des contemplatifs.

Le plus curieux est que cette secte, dont on connaît mal les mystères, a fait du suicide une coutume toute naturelle, et suivie avec le sourire.

C’est pourquoi la Princesse Nazli, qui ne savait rien des Bektachis que leur nom, m’avait un jour raconté :

— J’avais une amie bektachi. Pendant un dîner, elle dit brusquement devant nous toutes : « Comme c’est extraordinaire de penser que, dans huit jours exactement, je serai sous un figuier dans la terre ! » Et, je vous dis la vérité, my dear, huit jours après, bel hack, elle était morte, enterrée, et le figuier était planté sur sa tombe !

Candide Nazli qui n’avait rien deviné du suicide de son amie…

Je ne veux pas quitter mes souvenirs du Caire sans parler d’un essai commencé pendant que nous y séjournions.

Il s’agissait d’instaurer quelque chose d’absolument inconnu pour l’Islam : le Théâtre arabe.

Nous avions déjà vu s’esquisser un rudiment de cette nouveauté dans un petit bouibouis parfaitement indigène où le patron, Saïed Ichta, faisait jouer des manières de sketches de sa composition.

Les actrices, comme du temps de Shakespeare, étaient des garçons déguisés. L’action, qui ne durait pas trois minutes, était aussi licencieuse que le Karakheuz de Tunis.

Illettré, vaniteux, Saïed Ichta plastronnait parmi sa clientèle. « C’est moi qui ai fait ça ! » Et pourtant il ne se