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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/237

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La Syrie

Notre arrivée dans le port de Beyrouth fut quelque chose de sensationnel.

En effet, à peine ancré notre paquebot, le service quarantenaire envahit le bord, s’informa… puis nous mit en quarantaine pour trois jours.

Il y eut des passagers qui poussèrent la protestation fort loin. Certains, surtout des femmes, s’arrachaient le cheveux, comme on dit. C’est qu’ayant soigneusement calculé leur voyage, ces gens avaient des correspondances à prendre, sans perdre une heure, pour arriver à temps à leur destination finale. Ils manquaient des rendez-vous urgents, affaires, familles, amours, situations. Le bateau n’était plus qu’une lamentation générale.

Pour moi comme pour mon compagnon il était bien indifférent de ne débarquer que dans trois jours. Personne ne nous attendait. Je dois même avouer que, pour ma part, il me plaisait beaucoup de rester à bord au milieu du va-et-vient du port, une atmosphère que j’ai toujours aimée.

La ville de Beyrouth, éventail rouge car tous les toits en sont de tuiles, s’étageait devant nous, plus attrayante qu’aucune du fait de nous être défendue. Dans de petites embarcations, les Arabes nous apportaient des oranges, des journaux, des bimbeloteries, tout en se gardant de monter les échelles. Le bruit confus des rues venait jusqu’à nous, dominé parfois par quelque nasillement de flûte musulmane. Et, tout autour de nous, les gréements des autres navires, mouillés pour quelques