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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/36

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Tunis

qu’elles avaient été, dans les harems tunisiens, positivement déshabillées par les femmes, tant ces dernières avaient envie de voir comment étaient les dessous d’une Roumia. Je soupçonne que leurs façons d’être, sans doute effrontées, avaient, à mes compatriotes, valu cette mésaventure — qui ne m’arriva jamais.

J’en ai connu cependant une, et qui me laissa sur le moment assez suffoquée.

Dans un de ces harems se trouvait un piano. Les dames me demandèrent par signes de leur jouer quelque chose, et j’abordai sans me faire prier ce choral de César Franck où l’ampleur des accords arpégés force parfois la main gauche à passer par-dessus la droite pour atteindre la note la plus aiguë. Or j’avais à peine commencé ce geste qu’avec des éclats de rire unanimes toutes les femmes se précipitèrent sur moi, me prenant les mains et les tapant à tort et à travers sur les touches.

Prêté pour un rendu. Car, en réponse aux savantes modulations du chant arabe, combien d’Occidentaux manifestent par la plus inconvenante hilarité !

C’est une soirée de fiançailles dans le palais d’un saïed important.

Rien qui ressemble à ce qui se passerait chez nous en pareille occasion. Les fiancés de l’Islam ne se sont jamais vus, ne se verront qu’une fois le mariage accompli. Chacun est pour l’autre un être parfaitement inconnu.

Pourquoi se sont-ils choisis ? Question de convenances pour les familles, nécessité de se marier en vue la descendance — et même, quelquefois, amour, surtout de la part du fiancé.

Comment ?

Ce sont en général de vieilles parentes qui se chargent préparer l’union. Elles s’en vont, dans la famille du jeune homme, chanter les louanges de la jeune fille. Et quelle qu’elle soit, même grêlée ou mal faite, elles la dépeignent une petite merveille, portrait ratifié par la


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