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Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/85

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Encore la Kroumirie

Le mois de mai débutait à peine que nous étions déjà retournés en Kroumirie, une Kroumirie qui recommençait à devenir crépue, milliers de petites feuilles naissantes aux branches des chênes illimités.

Le coucou nous accueillait de ses deux notes moqueuses, appel mystérieux de la forêt. Toutes les fraîcheurs venaient en même temps au monde. La vie sentait bon. Nos chevaux étaient gais.

À l’une de nos premières sorties, comme nous arrivions au pas sur une petite prairie vallonnée, nous entendîmes, avant de rien voir, une voix arabe, masculine et fâchée, qui scandait on ne savait quelle violente réprimande du côté de ces buissons épineux. Deux bergers enfantins, un garçon et une fille, assis côte à côte sur un rebord de l’herbe, ne semblaient en rien s’émouvoir de cette colère si proche. Ils ne nous entendaient pas venir. Tunique courte, corde aux reins et turban blanc dont un coin retombait sur son épaule, le gamin jouait un instant sur la flûte de roseau qu’il venait de fabriquer comme ils font tous, puis s’arrêtait pour écouter la réponse de la seconde flûte, également son œuvre, qui roucoulait sur les lèvres de l’autre, une fillette déjà chargée de bracelets, amulettes et voiles tout comme les femmes adultes de sa tribu.

Cette églogue virgilienne ainsi surprise au cœur même du printemps s’interrompit à notre vue. C’est alors qu’ayant poussé mon cheval je pus, et avec quelle surprise, me rendre compte que l’Arabe en colère n’était pas