Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
LA FIN DE RABEVEL

tion et de courroux de sa femme. Un jour qu’il avait prié Rabevel au restaurant, il arriva accompagné d’une personne que Bernard trouva fort belle et qu’il lui présenta sous le nom de Pauline. Pauline dit peu de choses mais son sourire les rendait spirituelles et sut flatter Bernard. À la fin du repas, tandis qu’elle était au vestiaire, Bordes confiait à son collègue que cette fille était étonnante, attentive, gentille, prévenante, mais d’un caractère altier et d’un tempérament de feu : « Ce qu’il me faudrait ! » dit en riant Bernard.

— « Écoutez, répondit de même Bordes, soyez gentil, attendez que je sois mort, je n’en ai pas pour longtemps… » Il n’y a que le premier pas qui coûte. Bordes ayant cédé une première fois à sa maîtresse qui voulait être traitée par lui comme une femme honnête (ne lui consacrait-elle pas sa jeunesse !) continua à la présenter à ses amis ; Bernard eut de nouveau l’occasion de la revoir et s’émerveilla de sa correction et de ses attentions affectueuses pour le vieil homme. « Je compte bien lui laisser toutes mes actions des tramways de Limoges, dit-il un jour à Rabevel, elle mérite bien ça. » — « Bigre, répondit celui-ci, si elle devient jamais détentrice d’un paquet pareil, il faudra que les co-actionnaires comptent avec elle. » Bordes cligna de l’œil. — « Vous avez peur, hein ! » il lui poussa le coude. « Allons, elle est gentille ; vous vous entendrez toujours… » Mais Bernard n’eut pas envie de sourire ; décidément il vieillissait, cet imbécile : il aurait pu inventer autre chose.