Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LA FIN DE RABEVEL

sur les flancs, enfin ce que les états-majors appellent justement les sûretés. Ainsi orienté, il semblait offrir un front d’airain ou, plus exactement, une absence spirituelle, qui avait raison de tout. Bien des financiers n’ont pas d’autre secret qu’un semblable tempérament.

Sans doute ce ferme propos qui maintenait Bernard à sa tâche ne lui imposait-il pas des œillères. Le cœur vivait toujours, et plus volcanique que jamais. Mais le jeune homme avait hiérarchisé irrésistiblement les appels de son être ; rien ne le pouvait faire dévier de sa direction. Pourtant, Dieu sait comme il souffrait, justement à cause de son horreur des choses mal terminées, de ce suspens où était restée sa liaison avec Angèle. Car, bien qu’il eût promis à Blinkine d’ignorer désormais sa maîtresse, il ne s’y sentait pas tenu ; nul serment ne le pouvait enchaîner. Il se rendait cette justice qu’il avait essayé de faire l’oubli en lui-même sur la petite partie de ce sentiment que le tracas des affaires n’avait pu tout à fait noyer. Il avait d’abord essayé de trouver en sa femme ce que lui avait si merveilleusement donné Angèle. Mais Reine était toute douceur, tout charme, toute soumission ; abandonnée à son désir, flottante et en admiration devant lui, elle laissait, lorsqu’il l’enlaçait, une âme de poète enivré aller à la dérive ; elle ne lui révélait rien du cœur, ni des sens ; elle ne le troublait, ni ne le comblait : comme dans les auberges d’Espagne il ne trouvait plus en elle, suivant le mot si souvent cité, que ce qu’il y apportait. Car il se moquait du site, et pour la nourriture