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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/214

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LE MAL DES ARDENTS

passé dans la gloire, l’amour et la bataille. La bataille d’autrefois. Rien de sombre dans ces existences : le soleil.

— Ce beau destin vous fait-il envie ? demanda Noë.

— Oh ! non, Monsieur ; mon imagination le mesure et ses lignes me paraissent sublimes, tout simplement. En somme, les héros ne sont pas heureux et je crois plus raisonnable de chercher le bonheur que la gloire car je me sens médiocre et le bonheur plus que la gloire accueille les gens de ma condition morale.

— Il y a autre chose que la gloire et l’honneur, s’écria Rabevel. Il y a le faisceau de terribles sentiments agissants qui sont la haine, l’amour, la crainte, le goût de dominer et de détruire, l’ambition… Nous ne vivons que par eux. Nous recherchons ce qui peut le mieux nous le procurer. C’est par exemple, pour moi, les affaires ou ce qui revient au même, la politique…

Marc eut un haut le corps.

— Ce qui revient au même ? demanda-t-il. La guerre ne vous a donc rien enseigné ?

— La guerre n’a rien appris à personne, répondait Rabevel. Chacun y a exalté son goût de réaliser ses désirs les plus secrets. Croyez-vous que vous ayiez changé ? Croyez-vous qu’Olivier ne soit pas redevenu ce qu’il était avant son départ pour Raïatea ? La fameuse génération sacrifiée dont vous parlez un jour et pour laquelle je fabrique des cercueils à gros bénéfice, croyez-vous que ses