Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
LE MAL DES ARDENTS

— Moi je songe que cette gerbe est la dernière ou la première.

— Que voulez-vous dire ? eut-elle la force de demander.

— Vous me comprenez. Et vous seule pouvez me répondre.

Il lui sembla divinement puissant, éloquent et beau. Elle répondit comme malgré elle : « la première » et cacha sa confusion contre son épaule. Il la prit dans ses bras et la baisa chastement au front. La peau lui sembla fine et odorante ; les traits vus de près restaient jolis ; elle lui parut charmante. Et vraiment cette docilité lui était souverainement agréable.

Ils causèrent longuement ; elle l’étonnait ; il la taquina sur ses goûts artistiques ; elle, déjà plus assurée, lui répondit et il comprit que ses goûts n’étaient pas l’effet d’un snobisme ; elle s’expliqua, elle lui découvrit des vues toutes nouvelles pour lui et où il pénétra avec une sorte de méfiance ravie. Il devina que la jeune fille était fine, sensible et qu’elle n’avait pas d’autre naïveté que celle de l’innocence ; point romanesque ; seulement raffinée à l’extrême, au point, songea-t-il tout à coup, de l’aimer lui pour ce qu’il avait de force, de malice, de simplicité aussi, de différent enfin de tous ces artistes qu’elle connaissait jusque dans le secret de leur cœur et dont elle devait être excédée.

Le temps passa très vite et il ne put se retenir de dire : « Déjà ! » quand Orsat arriva. Il n’aborda pas le sujet qui lui tenait au cœur et se borna à un entretien tout amical.