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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/163

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LE FINANCIER RABEVEL

même de la vérité. Pour Ramon, le Señor Ranquillos était Espagnol et devait se dire Vénézuelien ; il avait rendu quelques services à Bernard qui le gardait par pitié. Pour Bartuel, le Señor Sernola était une créature à lui imposée par des gros souscripteurs. Les deux hommes se méfiaient l’un de l’autre : ainsi rien ne transpirait.

Il avait si bien organisé ce silence qu’à plusieurs reprises Mr. Orsat s’étant entretenu avec lui du Conseiller n’avait pas une minute songé qu’il pût avoir à côté de soi le propriétaire du journal et cet Œil mystérieux dont toute la presse avait parlé. Comment l’eût-il soupçonné ? Bernard ne lui faisait-il pas ses confidences ? Et, en effet, Monsieur Orsat ayant pris l’habitude de venir le voir à son bureau, le jeune homme l’y recevait avec empressement, l’entretenait de ses asphaltières l’inclinait à la confiance. En réalité, il ne lui disait rien qu’il ne voulût lui dire et, peu à peu, parachevait sa conquête, entrait dans ses soucis, faisait le tour de ses affaires et de son portefeuille. Il lui donna quelques avis, effectua pour son compte quelques opérations qui l’ennuyaient. Préoccupé de manifestations artistiques et sportives, Monsieur Orsat en vint à se décharger complaisamment sur son futur gendre de bien des démarches et à envisager avec plaisir le moment où il pourrait confier à Bernard devenu son fils la gérance, sous sa surveillance, d’une fortune assez éparpillée pour demander une constante attention. Cette tendance politique de Bernard, si puissante et si fine quand elle n’était pas annihilée par quelque haine