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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/255

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LE FINANCIER RABEVEL

pour le perdre ? Il eut un frisson rétrospectif. Puis il haussa les épaules. Allons donc ! à d’autres !

— Mon mari m’avait en effet parlé, continua la veuve, des difficultés qu’il avait avec vous et m’avait confié comment il espérait en avoir raison. Il m’avait également fait connaître l’occasion providentielle qui s’était offerte à lui sous la forme de cette compagnie vénézuelienne de navigation. Je vous ai vu perdu ; je vous aime tant, Bernard, permettez-moi de vous le dire, que j’ai failli vous écrire, vous raconter tout pour vous sauver.

— Ce n’est que cela ? dit le jeune homme qui ne put réprimer un sourire.

— Attendez. Un jour, dans la conversation, mon mari, au moment même où je venais de me décider à vous écrire, prononça le nom de l’administrateur de la Cie de Navigation, Ramon Sernola. J’eus la force de ne rien dire. Mais j’étais fixée. Sernola est votre ami ; j’ai compris tout de suite que c’était vous qui tiriez les fils de l’intrigue et, sans me rendre compte comment, j’ai deviné que mon mari allait trouver sa perte là où il croyait provoquer la vôtre.

Bernard ne répondit rien. Et songeait profondément. Oui, la faille était là ; si cette femme n’avait pas été sa mère elle l’aurait perdue d’un seul mot. Comment n’y avait-il pas pensé ? « Je comprends, se dit-il. Si j’avais profondément aimé ou détesté ma mère je l’aurais imaginée vivant avec Mulot ; leur intimité m’aurait été sensible ;