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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/30

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LE MAL DES ARDENTS

— Qu’y a-t-il ?

— Sept heures, Madame ; l’omnibus pour le train de Paris part à sept heures trois quarts.

— Bien. Vous avez mes chaussures ? Oui ? Donnez-les-moi.

— Votre porte est verrouillée, Madame.

— C’est juste. Attendez.

Bernard entendit le pas de sa maîtresse, le bruit du verrou, la femme qui entrait ; il se dressa, passa son caleçon, ouvrit sa porte et, bousculant la domestique qui sortait de la chambre d’Angèle, y pénétra comme un fou. Il referma la porte derrière lui, sauta par-dessus le fond du lit, vint choir à côté d’elle de tout son long et la prenant dans ses bras avant qu’elle eût pu rien dire, couvrit son visage de baisers. Elle avait beau le griffer, le repousser avec fureur, il fermait les yeux et continuait de la tenir embrassée, cherchant ses lèvres. Elle rageait, le haïssant vraiment à cette heure, gonflée de mépris, de fiel et de remords, humiliée jusqu’au fond d’elle-même et ne voulant à aucun prix céder ; leur lutte muette et forcenée dura plus d’un quart d’heure et ce fut elle qui dut s’immobiliser, exténuée. Il releva la tête pour la contempler, si belle, si hérissée, mais elle lui cracha au visage. Sans une hésitation, il la gifla ; elle fondit en grosses larmes et se mit à pleurer en geignant d’une manière lamentable comme un enfant. Mais ses nerfs se détendaient, elle ne pensait plus à rien, sa colère et sa rancune s’évanouissaient comme des vapeurs.