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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/37

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LE FINANCIER RABEVEL

mais il la chassa aussitôt ; déjà il se demandait comment il investirait la vieille dame : elle devait être méfiante, méfiante… et un jeune homme comme lui… Il passait devant une bijouterie et comme il venait de la dépasser une image persistant sur sa rétine avec une acuité singulière, il s’étonna, se sonda, comprit aussitôt, se retourna, entra dans la boutique avec un sourire intérieur. Puis ayant fait son emplette, il hèla vivement un fiacre, rentra à l’hôtel, vit Angèle qui l’attendait avec impatience dans le hall : « Tu es prête, dit-il en l’embrassant tendrement. Oui ?… Saute en voiture, je règle ma note ». Il paya, la rejoignit. Ils arrivèrent à la gare juste pour prendre leurs billets et montèrent dans le wagon au moment où le train s’ébranlait. Comme Angèle tout essoufflée, souriante et contente s’asseyait, il lui prit les mains et la regarda avec tant de tendresse et de désir qu’elle en fut confuse. Elle baissa les yeux ; elle vit à l’annulaire de Bernard une alliance : « N’es-tu pas ma petite femme bien-aimée ? » lui dit-il doucement. Elle frémit dans tout son cœur ; elle se sentait bien heureuse. Lui, sous une expression amoureuse, cachait les pensées qui l’agitaient. Il contemplait Angèle. Il l’examinait avec détachement, avec une sorte d’infaillible impartialité. Ce grand air de déesse, se disait-il, cette allure noble et retenue, même sa sauvagerie presque masculine qui, mâtée comme elle l’est, prend l’apparence d’une réserve qui ne connaît point les sens, voilà un ensemnble qui me permettra de conquérir la marguillière.