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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/43

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LE FINANCIER RABEVEL

— Demeurons, dit-elle. Veux-tu que je te berce dans mes bras comme un petit enfant ? » Et comme il acquiesçait, elle lui chantait de vieilles chansons de sa nourrice. Ainsi, ils mêlaient à leurs rêves présents les plus doux souvenirs de leurs jeunes années. Ces vieilles chansons sont les premières que nous ayons connues et nous ne connaissions qu’elles lorsque nous fûmes le plus heureux.

— C’est vrai, disait Bernard, les songes qu’elles virent éclore se révèlent à leur appel.

Il soupirait.

L’arôme pénétrant des roses d’hiver remplissait la chambre. Ces lèvres de miel auprès de lui, cette peau dorée, cette lumière si blonde et toute frissonnante parmi la vigne de la balustrade…

Le cœur d’Angèle battait sous sa joue ; il savait tellement qu’elle lui appartenait !

— Quelle offrande pourrai-je te faire ? disait-elle avec langueur.

Pourtant, cet amour grandissant battait des ailes et voulait quitter son nid, si doux qu’il fût. Ils savaient bien que ces soirées au bord du Lot, ces promenades dans les faubourgs, ces causeries avec les vieilles gens qui étaient témoins de leurs amours, laisseraient dans leur cœur une trace impérissable.

Ils étaient tout pleins d’inquiète tendresse le soir qu’ils suivirent, pour la dernière fois, le chemin qui borde la rivière, depuis le Pont Valentré jusqu’aux terrasses de la