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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/52

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LE MAL DES ARDENTS

présent de souffrance, se plaignait de crampes ; une reconnaissance et une tendresse infinies le penchèrent sur sa nuque qu’il effleura d’un baiser à peine perceptible ; mais elle l’avait senti et le remercia d’un pauvre sourire. Madame Boynet s’inquiétait maintenant : « Il y a tout de même un mauvais coup de froid là dedans. Il faut coucher cette petite ». Et d’autorité, elle l’emmena, la dévêtit, l’allongea parmi deux draps brodés et parfumés, après avoir passé lentement entre eux la bassine de cuivre pleine de braises de bois. Le médecin arrivait. Il confirma les appréhensions de l’hôtesse :

— Une imprudence, l’humidité et le froid ; notre malade a été surprise par le serein et le jour même où se déclarait sa grossesse. Commencement de congestion pulmonaire compliquée de coliques ; voilà ce que coûte l’indifférence aux contingences. Ces jeunes mariés sont des étourneaux. Il prit Madame Boynet à part :

— Cela peut être très grave, lui dit-il ; heureusement que ces gamins sont tombés chez vous, mais quel tracas vous allez avoir !

Ainsi il ne doutait pas une seconde qu’elle ne songeât à soigner cette malade ; elle répondit d’une voix presque enfantine :

— Notre-Seigneur a bien autrement souffert pour nous. Le médecin haussa les épaules.

— Ne cherchez pas ; vous êtes contente de vous dévouer parce que vous êtes bonne foncièrement, d’abord ; ensuite