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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/56

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LE MAL DES ARDENTS

ture baissa légèrement, Angèle ouvrit les yeux et prononça quelques faibles paroles ; Bernard recru de fatigue, épuisé de souci, dormait debout et Madame Boynet l’envoya dans sa chambre. Il ne s’éveilla et ne redescendit que vers neuf heures du soir ; en touchant le bouton de la porte il s’arrêta au son de la voix du médecin : avant de comprendre il se sentait devenir livide ; mais une voix presque basse et dont cependant il reconnaissait le timbre unique fit entrer en lui les chants du printemps. Il ouvrit impétueusement la porte et se jeta au pied du lit, baisant éperduement la main pâle qui se dégagea tout doucement pour caresser son front d’un geste familier ; jamais Angèle n’avait tant ressemblé à la Sainte Anne de Léonard : un sourire de fantôme sur ce visage amaigri exprimait tout le bonheur de revivre pour jouir d’un tel amour.

— On aurait facilement la larme à l’œil ? » demanda Mr. Porge à Madame Boynet qui lui reprocha aussitôt de ne savoir rien respecter. Il se tourna vers Bernard qui le remerciait : « Voilà celle qu’il faut remercier, dit-il ; elle peut se vanter d’avoir sauvé votre femme ». Bernard l’embrassa et elle en parut toute contente. Mais elle ne voulut pas encore aller se coucher ce soir là : « Je sommeillerai un peu dans ce fauteuil, dit-elle au jeune homme, pendant que vous veillerez. S’il arrivait quoi que ce soit, n’hésitez pas à m’éveiller. » Angèle reposait maintenant calmement. Bernard la contempla un moment avec une tendresse qui lui faisait presque mal tant il sentait