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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/58

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LE MAL DES ARDENTS

l’intelligence et le tact divinateurs qui émouvaient la veuve aux points sensibles.

— Bah ! dit-elle, vous pouvez faire autant de bien dans le monde, rendre une femme bien heureuse et fonder une famille qui craigne et vénère Notre-Seigneur.

— Oui, répondit Bernard d’un ton simple, le Père Régard m’avait dit la même chose quand je lui demandai conseil. Mais c’est pour vivre que je m’inquiétais. Je n’ai pas de fortune ; je possède seulement quelques actions, assez pour en subsister c’est vrai, d’une compagnie de navigation et ma femme a aussi quelques titres de la même société. Nos parents connaissaient les gens qui ont lancé cette affaire, c’est ce qui explique la coïncidence. Malheureusement, si, pour le moment, nous pouvons vivre avec cela, rien ne nous garantit l’avenir. Cette affaire est menée par un Juif qui a de fortes raisons de la couler au profit d’une affaire concurrente et de jouer à la baisse. Je ne serais donc pas étonné d’une faillite d’ici peu. Voilà pourquoi j’hésitais à me marier ; la vie du cloître a ses douceurs, la douce existence contemplative loin des soucis du monde. Il a fallu que ce monstre délicieux montrât son visage pour faire envoler la craindre tous ces soucis. Enfin, dès mon retour à Paris, j’en serai quitte pour chercher une situation de comptable quelque part afin de prévoir les mauvais jours.

— Mais, dit Madame Boynet, vendez vos titres si vous craignez la baisse.