Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
LE MAL DES ARDENTS

Je le lui donnerais encore sans une circonstance assez curieuse qui montre le doigt du Bon Dieu. Une de nos amies qui est Petite Sœur des Pauvres, Mademoiselle de Jérodey, s’étant trouvée très fatiguée est venue se reposer chez ses parents au château de Jérodey tout près d’ici, il y a deux ans. Et, un jour, en causant comme on fait, vous savez bien, je lui dis : « Ça ne doit pas être drôle tous les jours de quêter, à Paris — Oh ! me répond-elle, Paris n’est pas mauvais autant qu’on le dit ; on est charitable et il est rare que nous soyions mal reçues. — Pourtant si vous allez chez les socialistes ? — Ce ne sont pas les plus mauvais, allez ! — Et les francs-maçons, et les juifs ? — Les francs-maçons, oui, sont mauvais, mais pas les juifs. Tenez, Rothschild nous reçoit toujours lui-même et il est très bienveillant. Naturellement, on en voit aussi de méchants. Ainsi il y en a un, je me rappellerai toujours son nom, c’est un banquier qui s’appelle Blinkine et qui habite tout près de l’Hôtel-de-Ville. Eh bien ! il nous a fait recevoir par son comptable, un juif aussi, ça se voyait bien à sa tête, qui nous a dit : « Mesdames, monsieur Blinkine m’a donné l’autorisation de vous recevoir pour que j’aie moi aussi le plaisir de vous fiche dehors ». Il n’a pas dit fiche, vous comprenez… »

— Et alors ? demanda Bernard.

— Alors, naturellement, j’ai écrit à Blinkine en lui racontant l’histoire ; il m’a répondu disant qu’il mettait son comptable à la porte, que tout cela s’était passé à son