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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/68

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LE MAL DES ARDENTS

ce dont il avait conscience de disposer ; mais ce geste qu’il savait d’avance ne pouvoir retenir, suffirait-il à l’amour outragé ? Il restait en lui une rancune, une méfiance qui demandaient autre chose. Quelle autre chose ? Il l’ignorait. Elle tenait aux racines profondes dont les aboutissements lui échappaient. L’ébranlement de sa vie par le don que lui avait fait Angèle, don tronqué, profané, souillé, avait troublé toutes ses sources intérieures. Quel ébranlement contraire rétablirait le don rutilé ?

Ah ! non, pensait-il, cet amour qui veut reprendre, enflé de fiel, plein d’une amertume méfiante et désillusionnée, qu’il s’en aille ! et que cette femme aussi s’en aille !

Son désarroi, il le sentait, s’accroîtrait de la présence d’Angèle ; la faible chair aiguillonnerait un désir sans discernement, traînant l’esprit à ses amarres. Et qu’importait que la femme revenue, dont l’énigme roulait sur elle-même, supputât, et calculât à quelques pas de lui, apportât un appétit de triomphe ou un amour renouvelé, puisqu’elle ne pouvait, de toute manière, ressusciter dans son intégrité la grande affection confiante qui les avait unis ?

Jamais la vie et le temps ne lui avaient paru s’écouler aussi lentement : il souffrait. Il souffrait de voir, dans une indécision immuable, continue, se succéder les résolutions diverses qu’il adoptait et ne prendrait pas. Il souffrait d’attendre Angèle et de la sentir tout près de lui. Il souffrait de la revoir tout à l’heure. Et par avance, de la reprendre