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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome II (1923, NRF).djvu/96

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LE MAL DES ARDENTS

Sernola était un grand garçon, mince, charmant, plein de finesse et d’astuce, mais indolent au possible. Fils d’un grand négociant du Vénézuela, il avait dès l’enfance été séduit par l’image de la France que lui décrivaient les missionnaires ; il avait aisément obtenu d’y venir faire ses études et, au sortir des Francs-Bourgeois où les missionnaires l’avaient directement expédié, il s’était trouvé avec ivresse, libre et seul, dans cette ville qu’il adorait sans la connaître. Il s’était installé dans cet hôtel médiocre, économisant sur le logement pour ne se priver ni de voyages, ni de maîtresses, ni de livres, ni de théâtre, ni de plaisirs. Il avait envie de tout comme un enfant. Presque tout son temps lui appartenait, ses études de droit ayant été singulièrement facilitées par les cours du Frère Maninc. Il ne redoutait qu’une chose, c’était de repartir bientôt pour son pays natal.

Cette crainte, Bernard l’eut tôt pénétrée. C’est là qu’il fallait frapper. Il lui dit :

— Mais pourquoi ne resterais-tu pas en France, puisque tu t’y plais ?

— Parce que le papa me couperait les vivres dès que mes études de droit seraient terminées.

— Ah ! oui. La raison est bonne. Prolonge tes études.

— En me faisant blackbouler ? Le bonhomme a prévu le cas. Diplômé ou non, je reviendrai au bout du temps normal.

— Eh bien ! essaye le contraire ; prépare ton agrégation