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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/198

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LE MAL DES ARDENTS

Un domestique en livrée lui ouvrit la porte. La villa était bâtie à flanc de coteau et de molles pelouses ombragées de pins parasols ornaient les pentes. La maison voulait être romaine ; le vestibule était un atrium entouré d’une colonnade, dallé de céramique. Un jet d’eau fleurissait un bassin de marbre et retombait sur la nappe bleue et glacée ; des peaux d’ours blancs, quelques coussins, des plantes vertes ôtaient ce que l’atmosphère pouvait avoir d’inaccueillant.

Mr. Orsat vint au devant de son visiteur, et le conduisit dans un petit salon tout intime, tout réjoui d’une claire flambée de châtaignier. « Il ne fait pas trop froid, dit-il, mais ma fille aime la gaieté de la flamme ». Ils causèrent en amis, sans entamer la question affaires. Bernard sentit qu’on le sondait et fit négligemment transparaître la sorte de personnage qu’il crut le plus propre à forcer la sympathie de son interlocuteur. Après quelques minutes, Madame Orsat suivie de sa fille entra dans le salon ; elle parut à Bernard fort simple et même effacée au milieu du luxe qui l’entourait. Par contre, la jeune fille, que sa mère appelait Reine, lui plut fort ; elle avait un visage brun au front très saillant, une bouche assez grande mais belle, le nez droit à narines palpitantes, et des yeux de la couleur et du poli de l’agate. On se mit à table et Bernard s’ingénia à faire parler la jeune fille assise en face de lui ; elle ne sortit guère de sa réserve pourtant ; mais il la devina sensible et timide. Après le repas, comme on passait dans un grand