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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/203

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

— J’ai souvent affaire à Clermont, dit Bernard, je viendrai prendre le café un de ces jours si vous le permettez.

— Comment donc ! s’écria Mr. Orsat ; mais envoyez-moi plutôt une dépêche la veille et venez déjeuner sans façon.

— Eh bien ! c’est convenu, répondit Bernard.

Il prit congé et s’en fut. Comme il se retournait pour fermer la grille, le mouvement brusque d’une chose sur la terrasse surprit son œil ; une jupe restait visible entre les balustres au-dessous d’une urne ornementale ; il comprit que ce vase lui cachait le buste de Reine, surprise alors qu’elle le regardait s’en aller. Il embrassa d’un regard la demeure cossue, le parc, la grille, évoqua la bonne mine des parents, le charmant visage de la jeune fille, imagina un coffre-fort solide, quelque part, bourré de valeurs. Puis il songea à sa situation propre. Il ne déplaisait pas et l’enfant était certainement libre. Il aurait cent mille francs avant douze mois et déjà il pouvait en disposer, les verser tout de suite au contrat s’il le fallait : car, ces cent mille francs, Monsieur Georges les lui avait remis pour faire les cautionnements des marchés avec l’État et il avait réussi à se faire dispenser de ces cautionnements ; ces cent mille francs étaient dans une banque à Clermont, il en pouvait user, ils lui appartenaient.

— Ça pourrait aller, tout cela, pensa-t-il.

Mais la pensée d’Angèle lui revint et il comprit tout de suite la différence qu’il pouvait y avoir entre l’amour et la sympathie naissante ; puis le mystère de sa naissance, la