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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/228

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

Bernard, Bernard triste et abandonné : elle lui cherchait déjà des excuses ; pourquoi elle-même n’avait-elle point tâché de le rejoindre ? Puis la colère reflua. Elle gronda entre ses dents :

— Vous êtes une fameuse canaille, allez !

Il refit son geste de désespoir.

— Et dire, finit-il par répondre, que cette opinion est exactement celle que j’ai de vous.

Elle sursauta et il admira intérieurement la rapidité du réflexe, la solidité de cette petite machine humaine, fine et puissante.

— Ah ! par exemple, c’est trop fort ! dit-elle.

— Oh ! je vous en prie, reprit-il, ne feignez point l’indignation. Votre attitude même tout à l’heure vous a trahie ; j’ai tout de suite senti combien vous vous trouviez gênée de vous rencontrer tout d’un coup inopinément avec l’homme que vous avez si salement abandonné pour un autre. — Ne m’interrompez pas, ne suffoquez pas : qu’au moins vous acceptiez cette pauvre sanction qui est de s’entendre dire la vérité par celui que vous avez trahi. Vous saviez fort bien que j’avais dû partir brusquement et sans pouvoir vous dire adieu ; vous avez su également que je ne gagnais que trois cent cinquante francs par mois et n’avais point de dot ; que je ne pouvais relever les vôtres de la situation critique où ils se débattaient. François gagne cinq cents francs qu’il vous abandonne entièrement : son père pouvait replâtrer la situation ; vous vous êtes