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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/33

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

Machin (te voilà prise, Catherine ?) venaient ici pour parler de la chose ; parce que c’était à l’écart, on ne se méfiait pas. Pensez, si près de l’Hôtel de Ville ! Et tous les mouchards logés dans le quartier. Jamais, figurez-vous, jamais ils ne se sont doutés de rien. Tu sortiras une bouteille de l’époque, cire jaune ; ça me donne soif d’en parler ; vous le goûterez ce petit vin blanc, monsieur Lazare ; et vous me direz ce que vous en pensez de cette mécanique-là ; je l’ai soutiré huit jours avant les barricades. Et vous, sans vous commander, Eugénie, servez la soupe, ma mignonne.

Il sourit au maître d’école.

— Oui, elle s’appelle Eugénie, ma petite belle-fille, brave petite, comme l’ex-madame Badinguet. Mais elle est mieux. On ne lui demande que de nous donner des petits Rabevel et ce sera parfait.

— Vous en avez déjà un, dit Lazare.

— Oui, fit le vieillard en regardant Bernard. Oui… Voyez ce que c’est tout de même que la vie. J’ai eu quatre enfants. L’aîné, Pierre, meurt en me laissant ce bambin. Le second, Rodolphe n’est pas fichu à trente-six ans de me donner un petit bout d’homme à faire sauter sur les genoux. Ma fille, troisième, meurt en couches à vingt ans, quelle misère ! et le dernier, ce Noë que vous voyez et qui est maintenant mon cadet, il parle de ne pas se marier. Dans quel temps vivons-nous !

Eugénie posait sur la nappe la soupière fumante. On se