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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/36

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LE MAL DES ARDENTS

père qui les a dessinés et assemblés. Vous pouvez tâter : c’est massif, solide, d’aplomb et d’équerre ; ça n’a pas bougé. Tous les meubles de la maison ont été faits par des parents. Ça vaut d’être noble, hein !

— Grandes choses, ces traditions, grandes choses, disait Lazare convaincu.

— Ah ! bien oui, je crois bien, toutes ces assiettes au mur : celle-là « La Liberté ou la Mort », celle-ci « La Bergère », ce plat à barbe « Rasez-moi », tout ce qu’il y a là vient des vieux, rien du marché aux puces. Vous croyez que ce gosse, quand il sera grand, il ne se rappellera pas tout cela et qu’il ne voudra pas se nouer à ses vieux lui aussi ? Je ne sais pas trop m’exprimer mais enfin je sais ce que je veux dire, et c’est sérieux. Qu’est-ce que tu veux être toi, Bernard ? Menuisier ou tailleur ?

L’enfant n’entendait pas ; il dessinait vaguement du doigt sur la nappe et murmurait à voix à peine distincte : le maître, le maître…

— Il l’a dit, fit le vieillard, le Maître ; et ce n’est pas maître d’école qu’il veut dire, sauf votre respect, monsieur Lazare, et malgré votre belle redingote et votre chapeau gibus. Il y a longtemps qu’il veut l’être, le maître. Depuis qu’il est né, je crois bien, le bougre. Seulement il ne tenait pas le mot. Maintenant il le sait, je veux dire qu’il le comprend. On aura du fil à retordre.

— L’éducation et les vertus du nouveau régime père Jérôme…