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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/53

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LA JEUNESSE DE RABEVEL

communion, au moment où il allait sortir, sa grand’mère l’embrassa plus tendrement que de coutume.

— Il s’est bien amendé, dit-elle, ce petit. Le frère Valier m’a dit aujourd’hui que, non seulement il était le premier au catéchisme, mais qu’il faisait aussi l’édification de tous.

Il sortit et se rendit comme de coutume à la retraite. Puis, au retour, subitement décidé, il feignit de jouer ainsi qu’il le faisait maintenant tous les soirs avec Tom, pénétra dans la boutique et courut à la caisse. Le tiroir était simplement poussé. Il l’ouvrit, plongea la main. Mais déjà le dogue, une patte sur la main, l’autre sur l’épaule, la gueule en feu, grondait et le tenait en respect. Le boutiquier rentra au bout d’une minute dont l’enfant ne se rappela jamais ce qu’elle avait pu durer. Il appela le chien, referma le tiroir et dit simplement à Bernard :

— « Et tu vas faire ta première communion demain ! Jamais un petit juif n’aurait fait cela ». Il réfléchit puis ajouta comme pour soi : « Et il passe pour le meilleur sujet du quartier. Quelle nature ! Écoute, Bernard, quoiqu’il arrive, n’oublie jamais que je t’ai pardonné et que je me suis tu. Tu promets ? »

L’enfant fit oui de la tête. Il rentra chez lui tremblant, le visage cendré, les yeux hagards. La colère rentrée le rendait fou. À sa tante inquiète il ne répondait pas mais ses mâchoires s’entrechoquaient. On le dévêtit, on le coucha dans la chambre des vieux. Toute la nuit il eut la fièvre et délira. Le matin, calme, effrayant, il déclara