Aller au contenu

Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
LE MAL DES ARDENTS

bienfaisantes et amenassent sur son visage l’expression de la sérénité : parfois il parlait de navires, de promenades sur l’eau douce et d’autres fois il disait avec ravissement et d’une voix qui gardait toute la suavité de l’enfance : « Qu’il fait bon sur la mer ! » À plusieurs reprises il appela le maître d’école ; on comprit aussi, à quelques paroles, que l’enfant secret et silencieux s’interrogeait sur sa mère dont personne ne voulait dire mot. La douce Eugénie le veillait. Souvent elle dut appeler à l’aide ; car Bernard éclatait en colères furieuses lorsqu’il revoyait, en les déformant, le vieux Goldschmidt et son chien monstrueux. Noë remplaçait sa belle-sœur une partie de la nuit. Mais Jérôme ne voulait pas entrer dans la chambre et Rodolphe ne cachait pas sa répugnance : cette fantasmagorie, la vie intérieure effroyable qu’elle révélait, les surprenaient et choquaient leur bon sens. Catherine avait surtout été secouée dans sa conscience de chrétienne ; Bernard lui semblait un sacripant et quelque chose de plus ; elle n’était pas éloignée de voir dans les actes de l’enfant une intention sacrilège ; elle pleurait sur son hypocrisie précoce, sur le malheur qu’était l’existence de ce petit monstre pour la famille et se demandait avec véhémence quelles tares se cachaient dans le ventre qui l’avait conçu.

Quand on crut que l’enfant allait mieux, ce fut pis. Une épidémie de fièvre typhoïde qui traînait dans le quartier ayant redoublé tout à coup, il n’y échappa point. Ce furent de nouveau le délire, l’agitation désespérée et les alternatives