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Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/94

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LE MAL DES ARDENTS

réveillonnaient au réfectoire ; il imaginait sa place vide. Peu à peu, se formait en lui l’image d’un monde de saints, de vierges et de dieux d’où il était exclu et qui distribuaient ces joies, qui aidaient insidieusement ses camarades, qui les pousseraient dans l’existence. Il touchait à présent ce monde jusque là ignoré ; il se rendait bien compte que ses condisciples avaient une vie spirituelle qu’il n’avait jamais soupçonnée ; et, comme il était fort jeune, il ne pouvait conclure qu’à la réalité de ces êtres supérieurs avec qui ils formaient société. D’ailleurs, autour de lui on ne cessait de relater des traits édifiants ; la puissance divine s’exaltait en des miracles irréfutables ; les raisonnements persuasifs du Père Régard, les plus simples, celui de l’œuf et de la poule, celui du premier moteur, le trouvèrent convaincu. Et, enfin, sa puberté tardive arrivant, il se sentit tout à coup des élans de tendresse, une soif de conviction, d’affection universelle, de douceur et de protection. Le jour où il fut autorisé à communier, il donnait depuis longtemps à tous les preuves les plus certaines d’une foi enflammée.

Par un phénomène qui n’avait point paru miraculeux aux professeurs, son intelligence et son travail avaient dans une marche curieusement parallèle peu à peu imposé leur primauté. Les problèmes qui lui étaient échus demeuraient les plus difficiles, mais il les comprenait et les résolvait. L’ordre des devoirs et des leçons avait fini par s’accommoder fort bien à sa méthode de travail. Tout lui semblait aisé