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Page:Lucile de Chateaubriand, ses contes, ses poèmes, ses lettres.djvu/100

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solitaire, je ne connaissais, madame, nullement le monde : j’ai fait enfin cette maussade connaissance. Heureusement, la réflexion est venue à mon secours. Je me suis demandé qu’avait donc ce monde de si formidable et où résidait sa valeur, lui qui ne peut jamais être, dans le mal comme dans le bien, qu’un objet de pitié ? N’est-il pas vrai, madame, que le jugement de l’homme est aussi borné que le reste de son être, aussi mobile et d’une incrédulité égale à son ignorance ? Toutes ces bonnes ou mauvaises raisons m’ont fait jeter avec aisance, derrière moi, la robe bizarre dont je m’étais revêtue : je me suis trouvée pleine de sincérité et de force : on ne peut plus me troubler.

Je travaille de tout mon pouvoir à ressaisir ma vie, à la mettre tout entière sous ma dépendance.

Croyez aussi, madame, que je ne suis point trop à plaindre, puisque mon frère, la meilleure partie de moi-même, est dans une situation agréable, qu’il me reste des yeux pour