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Page:Lucile de Chateaubriand, ses contes, ses poèmes, ses lettres.djvu/14

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son pigeonnier, entre sa garenne et sa grenouillère. Mais c’était un Malouin résolu, trempé, comme La Bourdonnais, comme Surcouf, dans l’air salé. Il se fit corsaire, reçut et donna de grands coups, passa aux îles et gagna quelque argent dans les épices. À trente-cinq ans, déjà vieux, roidi par les fatigues, tanné par les pluies et les soleils, endurci par une dure vie, n’ayant rien retenu de toutes ses aventures et ne sachant rien, sinon qu’il était gentilhomme, il revint en Bretagne et épousa Jeanne-Suzanne de Bedée, fille du comte de Bedée, seigneur de la Bouëtardais. Brune, laide et vive, pleine des romans de Mlle de Scudéry, dont les derniers exemplaires traînaient encore dans les provinces, c’était une précieuse attardée, gâtée par les lectures et les sociétés, mais qui se sauvait par ses distractions : elle s’oubliait et se laissait voir dans tout le piquant de son naturel. Elle se fût répandue en discours ; mais son maître et seigneur la fit taire. Ce n’étaient pas des paroles qu’il lui demandait, c’étaient des enfants. Il