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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/30

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XXIV
PRÉFACE

une physique imparfaite, mais nulle ombre de métaphysique. Et comment pourrait-il y en avoir, puisqu’il n’admet rien en dehors de la substance, ni existence sans corps, ni intelligence sans vie, ni fonction sans organe. Quant, à l’activité impersonnelle qu’il attribue souvent à la nature, c’est affaire de métaphore, pure poésie, mais consciente. Il résume d’un mot (et tout mot est une abstraction, et toute abstraction est légitime quand elle ne dégénère pas en entité) la qualité fondamentale des choses, le mouvement substantiel, que les modernes désignent par deux termes dont l’un sous-entend l’autre, Force et Matière.

La religion rend toute science inutile ou périlleuse : cela est ainsi, les dieux l’ont fait. Mais une fois qu’on a quitté ce banal refuge des esprits paresseux, le monde apparaît ce qu’il est, le champ de notre curiosité, le domaine de la science. L’observation devient légitime. Lucrèce observe donc, bien ou mal, suivant que les choses sont simples ou complexes, mais enfin il observe. De ce qu’il observe, il induit ; nous ne procédons pas autrement. L’atomistique d’Épicure, est une hypothèse, rectifiée en partie, mais qui domine plus que jamais la chimie moderne. La méthode qui l’y a conduit est celle de la science, l’unique voie de la vérité ; cette voie s’est allongée, voilà tout, mais n’oublions pas que, si notre siècle l’a accrue de plusieurs milliers de lieues, si désormais on y marche à la vapeur, elle n’allait pas, il y a deux cents