Aller au contenu

Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/306

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
DE LA NATURE DES CHOSES

Que vint l’art de planter, la greffe et la culture.
Les glands, les fruits tombés des arbres, à leurs pieds
Renaissent en essaims d’arbrisseaux printaniers,
Qui, mariés par l’homme aux branches maternelles,
Permirent de planter des essences nouvelles ;
Et d’essais en essais, dans l’enclos bien-aimé,
L’homme vit, par son zèle et ses soins réformé,
Chaque fruit dépouiller son âpreté sauvage.
Les forêts, sur les monts reculant d’âge en âge,
Livraient à ses efforts la plaine et les coteaux ;
Et, joyeux, à l’entour des lacs et des ruisseaux,
Se déployaient les prés, les moissons et les vignes,
Rehaussés d’oliviers bleuâtres dont les lignes
Couraient à travers champs des pentes aux vallons,
1440Comme à notre campagne aujourd’hui nous mêlons
Les arbres et les fruits, ces fécondes parures
Dont l’éclat varié borde et clôt nos cultures.

L’homme apprit des oiseaux à moduler des sons.
Ses lèvres imitaient leurs limpides chansons,
Avant de faire entendre aux oreilles ravies
Les poèmes ornés de douces mélodies.
Les soupirs de la brise à travers les roseaux
Préludaient aux accords des rustiques pipeaux.
Puis, le tour arriva des plaintes amoureuses
Qu’aux lieux déserts, au bord des clairières ombreuses,
La flûte répandit sous les doigts des chanteurs,
La flûte, invention du loisir des pasteurs.

Ainsi montaient au jour de la raison humaine