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Page:Lucrèce - De la nature des choses (trad. Lefèvre).djvu/357

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LIVRE SIXIÈME

Le poison était là, dans les hideux ulcères,
Dans le flux noir sans fin épanché des viscères.
Parmi de cruels maux de tête, avec le sang
1220Corrompu, comme un fleuve à plein nez jaillissant,
Coulaient la force vive et la chair tout entière.
Chez celui qu’épargnaient ces pertes de matière,
Le virus descendait dans les nerfs, dans les os,
Jusques aux profondeurs des conduits génitaux.
Ceux-ci, pris de terreur devant le seuil suprême,
Pour vivre, au fer livraient leur virilité même :
Ceux-là restaient sans pieds, sans mains, d’autres sans yeux :
Ce peu de vie encor leur était précieux,
Tant la peur de la mort possédait tout leur être !
Plus d’un ne savait plus même se reconnaître ;
D’avance l’oubli morne environnait leurs sens.

Les corps sans sépulture, affreux amas gisants,
Couvraient les places. Loin de l’odeur délétère
Fuyaient les animaux de l’air et de la terre ;
S’ils goûtaient au charnier, la mort suivait de près.
Nulle bête la nuit ne sortait des forêts,
Nul oiseau, dans ces jours, n’errait à l’étourdie,
Sans attirer sur eux l’horrible maladie.
La plupart languissaient et mouraient. Tout d’abord
1240Les chiens jonchaient la rue, attendant que la mort
Vînt arracher le souffle à leur troupe fidèle.

Sans pompe, les convois s’enlevaient pêle-mêle.
Point de commun remède assuré. Le trésor