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Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/263

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donnée dans son arbre creux, ne vivant que de ce que lui apportait son petit chien, lorsque le jeune seigneur, chassant un jour dans ce bois, se trouva auprès du chêne. Il resta immobile d’étonnement en y voyant une femme sans bras et n’ayant d’autres vêtements que ses cheveux, qui lui tombaient jusqu’aux pieds. Le petit chien, qu’il reconnut facilement, lui mettait dans la bouche des morceaux de pain, qu’elle mangeait avec avidité, car elle paraissait avoir grand’faim. Il s’approcha et dit :

— Est-ce un animal ou une chrétienne que je vois ?

— Je suis une chrétienne, répondit Jeanne, la plus malheureuse des femmes, mutilée, comme vous le voyez, et abandonnée de tout le monde, excepté de ce pauvre petit animal qui, seul, avec Dieu, m’a empêchée de mourir de faim, depuis deux ans que je suis ici, dans l’état pitoyable que vous voyez.

Le jeune seigneur sentit son cœur touché d’une grande compassion pour tant d’infortune, et il la prit sur son dos et la porta chez son père. Là, on la lava, on lui coupa les cheveux, et on l’habilla. C’était encore une fort jolie femme ; mais, hélas ! elle n’avait pas de bras ! Le jeune seigneur devint pourtant amoureux d’elle, en voyant son esprit et sa douceur, car elle ne se plaignait jamais, et il