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Page:Luzel - Soniou Breiz Izel vol 1 1890.djvu/30

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pas d’élans d’imagination. Il ne se plaît guère qu’aux récits terrifiants. Saint-Pol, sa ville sainte, a presque plus d’églises que de maisons, et celles-ci ne semblent être qu’un prolongement de celles-là. Les gens y ont des allures de mystère. Un silence religieux plane sur toutes choses. Seul, le cimetière vit. Il produit une impression de terreur sacrée : c’est le Campo-Santo de la Basse-Bretagne. Au pays trégorrois, la race est moins triste qu’en Léon, moins joyeuse qu’en Cornouaille, mais, plus affinée que dans l’une et l’autre région. Elle y a fait à la civilisation plus de concessions extérieures ; en revanche, elle est demeurée plus fidêle à l’âme profonde des aïeux[1]. On s’y nourrit encore des légendes merveilleuses, des chants épiques ou sentimentaux, qui alimentèrent le rêve des anciens Bretons. Là, survivent quelques représentants clairsemés de la congrégation, jadis si nombreuse, des mendiants chanteurs. Là aussi, l’on peut, sans trop de peine, ranimer au fond des mémoires les vieilles cendres de l’inspiration populaire.

  1. On remarquera que je ne dis rien du Morbihan. De ce que notre recueil ne contient qu’une chanson en dialecte vannetais, il ne s’ensuit pas que le Morbihan soit pauvre en chansons populaires. Il en a paru quelques-unes, très jolies, dans les Annales de Bretagne. Malheureusement, la prononciation usitée en pays de Vannes, et qui est trop coulante, trop rapide, oppose à qui n’a entendu parler que le breton de Tréguer ou de Cornouaille, un obstacle long à franchir. Lu, le breton Vannetais se comprend sans peine ; parlé, il semble une langue étrangère, lorsqu’on ne s’est pas familiarisé avec lui, et c’est notre cas, à M. Luzel et à moi. Nous avons trouvé au Guerlesquin un certain Dénès, qui a longtemps travaillé dans les fermes du Morbihan, et qui en a rapporté toute une collection de chansons. C’est une preuve que la chanson est en grand honneur, dans les veillées de là-bas, comme dans celles de chez nous. Espérons que le Morbihan aura son Luzel. Ah ! si M. Loth n’était si complètement pris par ses grands travaux de traduction des textes gallois ou de linguistique bretonne !... Qui sait? Un jour ou l’autre, il trouvera peut-être quelques loisirs. Déjà, c’est à lui que nous devons la plupart des textes de chansons publiés en dialecte Vannetais. L’envie lui viendra, j’imagine, de compléter son oeuvre. Nul autre ne le fera aussi bien que lui.