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Page:Mémoires de Suzon soeur de D. B., 1830.djvu/114

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garçon marchand de vin s’approcha de moi, et me dit avec un ton poli : pourrai-je, mademoiselle, sans indiscrétion, vous demander le sujet de vos pleurs ? Ah ! monsieur ! m’écriai-je, je ne crois pas qu’il existe dans la nature une fille plus à plaindre que moi. J’ai été amenée dans ce pays-ci par un monstre qui m’a abandonnée. Je sors aujourd’hui de l’Hôtel-Dieu ; je n’ai pas un sou, et, pour comble de malheur, je ne connais personne dans cette ville.

Mon air de franchise, ma jeunesse et quelque peu de beauté l’intéressèrent en ma faveur. Il me pria d’entrer dans son cabaret, et me servit aussitôt une demi-bouteille du meilleur vin qu’il y avait dans sa cave. Il fit apporter de chez le traiteur un très-bon potage, et me pria avec tant d’honnêtetés de manger, qu’à la fin je cédai à ses instances. Après que j’eus pris quelque nourriture, je ne puis