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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/103

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quelques mots que personne n’entendit ; ses fils regardèrent les poutres du plafond. Le préfet, continuant sa harangue, allait adresser à Orso la contrepartie de ce qu’il venait de débiter à M. Barricini, lorsque Colomba, tirant de dessous son fichu quelques papiers, s’avança gravement entre les parties contractantes :

— Ce serait avec un bien vif plaisir, dit-elle, que je verrais finir la guerre entre nos deux familles ; mais pour que la réconciliation soit sincère, il faut s’expliquer et ne rien laisser dans le doute. — Monsieur le préfet, la déclaration de Tomaso Bianchi m’était à bon droit suspecte, venant d’un homme aussi mal famé. — J’ai dit que vos fils peut-être avaient vu cet homme dans la prison de Bastia…

— Cela est faux, interrompit Orlanduccio, je ne l’ai point vu.

Colomba lui jeta un regard de mépris, et poursuivit avec beaucoup de calme en apparence :

— Vous avez expliqué l’intérêt que pouvait avoir Tomaso à menacer monsieur Barricini au nom d’un bandit redoutable, par le désir qu’il avait de conserver à son frère Théodore le moulin que mon père lui louait à bas prix ?…

— Cela est évident, dit le préfet.

— De la part d’un misérable comme paraît être ce Bianchi, tout s’explique, dit Orso, trompé par l’air de modération de sa sœur.

— La lettre contrefaite, continua Colomba, dont les yeux commençaient à briller d’un éclat plus vif, est datée du 11 juillet. Tomaso était alors chez son frère, au moulin.

— Oui, dit le maire un peu inquiet.

— Quel intérêt avait donc Tomaso Bianchi ? s’écria Colomba d’un air de triomphe. Le bail de son frère était expiré ; mon père lui avait donné congé le 1er juillet. Voici le registre de mon père, la minute du congé, la lettre