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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/107

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— Saveria ! Saveria ! criait Orso, ouvrez la porte, de par le diable !

— Un instant, dit Brandolaccio. Nous avons d’abord à filer, nous, de notre côté. Monsieur le préfet, il est d’usage, quand on se rencontre chez des amis communs, de se donner une demi-heure de trêve en se quittant.

Le préfet lui lança un regard de mépris.

— Serviteur à toute la compagnie, dit Brandolaccio. Puis étendant le bras horizontalement : — Allons, Brusco, dit-il à son chien, saute pour M. le préfet !

Le chien sauta, les bandits reprirent à la hâte leurs armes dans la cuisine, s’enfuirent par le jardin, et à un coup de sifflet aigu la porte de la salle s’ouvrit comme par enchantement.

— Monsieur Barricini, dit Orso avec une fureur concentrée, je vous tiens pour un faussaire. Dès aujourd’hui j’enverrai ma plainte contre vous au procureur du roi, pour faux et pour complicité avec Bianchi. Peut-être aurai-je encore une plainte plus terrible à porter contre vous.

— Et moi, monsieur della Rebbia, dit le maire, je porterai ma plainte contre vous pour guet-apens et pour complicité avec des bandits. En attendant, monsieur le préfet vous recommandera à la gendarmerie.

— Le préfet fera son devoir, dit celui-ci d’un ton sévère. Il veillera à ce que l’ordre ne soit pas troublé à Pietranera, il prendra soin que justice soit faite. Je parle à vous tous, messieurs !

Le maire et Vincentello étaient déjà hors de la salle, et Orlanduccio les suivait à reculons lorsque Orso lui dit à voix basse : — Votre père est un vieillard que j’écraserais d’un soufflet ; c’est à vous que j’en destine, à vous et à votre frère.

Pour réponse, Orlanduccio tira son stylet et se jeta sur Orso comme un furieux ; mais, avant qu’il pût faire usage