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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/109

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d’honneur je ne reconnais d’autre autorité que celle de ma conscience.

— Je vous dis que vous ne vous battrez pas !

— Vous pouvez me faire arrêter, monsieur… c’est-à-dire si je me laisse prendre. Mais, si cela arrivait, vous ne feriez que différer une affaire maintenant inévitable. Vous êtes homme d’honneur, monsieur le préfet, et vous savez bien qu’il n’en peut rien autrement.

— Si vous faisiez arrêter mon frère, ajouta Colomba, la moitié du village prendrait son parti, et nous verrions une belle fusillade.

— Je vous préviens, monsieur, dit Orso, et je vous supplie de ne pas croire que je fais une bravade ; je vous préviens que, si monsieur Barricini abuse de son autorité de maire pour me faire arrêter, je me défendrai.

— Dès aujourd’hui, dit le préfet, monsieur Barricini est suspendu de ses fonctions… Il se justifiera, je l’espère… Tenez, monsieur, vous m’intéressez. Ce que je vous demande est bien peu de chose : restez chez vous tranquille jusqu’à mon retour de Corte. Je ne serai que trois jours absent. Je reviendrai avec le procureur du roi, et nous débrouillerons alors complètement cette triste affaire. Me promettez-vous de vous abstenir jusque-là de toute hostilité ?

— Je ne puis le promettre, monsieur, si, comme je le pense, Orlanduccio me demande une rencontre.

— Comment ! monsieur della Rebbia, vous, militaire français, vous voulez vous battre avec un homme que vous soupçonnez d’un faux ?

— Je l’ai frappé, monsieur.

— Mais, si vous aviez frappé un galérien et qu’il vous en demandât raison, vous vous battriez donc avec lui ? Allons, monsieur Orso ! Eh bien ! je vous demande encore moins : ne cherchez pas Orlanduccio… Je vous permets de vous battre s’il vous demande un rendez-vous.