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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/125

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du côté de l’enclos le plus proche, flairait avec inquiétude. Tout à coup il fit entendre un grognement sourd, franchit le mur d’un bond, et presque aussitôt remonta sur la crête, d’où il regarda fixement Orso, exprimant dans ses yeux la surprise aussi clairement que chien le peut faire ; puis il se remit le nez au vent, cette fois dans la direction de l’autre enclos, dont il sauta encore le mur. Au bout d’une seconde, il reparaissait sur la crête, montrant le même air d’étonnement et d’inquiétude ; puis il sauta dans le mâquis, la queue entre les jambes, regardant toujours Orso et s’éloignant de lui à pas lents, par une marche de côté, jusqu’à ce qu’il s’en trouvât à quelque distance. Alors, reprenant sa course, il remonta le coteau presque aussi vite qu’il l’avait descendu, à la rencontre d’un homme qui s’avançait rapidement malgré la roideur de la pente.

— À moi, Brando ! s’écria Orso dès qu’il le crut à portée de la voix.

— Oh ! Ors’ Anton’ ! vous êtes blessé ! lui demanda Brandolaccio accourant tout essoufflé. Dans le corps ou dans les membres ?…

— Au bras.

— Au bras ! ce n’est rien. Et l’autre ?

— Je crois l’avoir touché.

Brandolaccio, suivant son chien, courut à l’enclos le plus proche et se pencha pour regarder de l’autre côté du mur. Là, ôtant son bonnet :

— Salut au seigneur Orlanduccio, dit-il. Puis, se tournant du côté d’Orso, il le salua à son tour d’un air grave : — Voilà, dit-il, ce que j’appelle un homme proprement accommodé.

— Vit-il encore ? demanda Orso respirant avec peine.

— Oh ! il s’en garderait ; il a trop de chagrin de la balle que vous lui avez mise dans l’œil. Sang de la Madone, quel trou ! Bon fusil, ma foi ! Quel calibre ! Ça vous écar-