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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/152

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bien des affaires. Si vous devez avoir une conversation avec le Commandant de la campagne[1], je ne me soucierais pas de m’y trouver. Les balles ne connaissent personne la nuit.

La possibilité d’une rencontre avec les redoutables bandits que Colomba venait de nommer parut faire impression sur les voltigeurs. Toujours pestant contre le caporal Taupin, le chien de Français, le sergent donna l’ordre de la retraite, et sa petite troupe prit le chemin de Pietranera, emportant le pilone et la marmite. Quant à la cruche, un coup de pied en fit justice. Un voltigeur voulut prendre le bras de miss Lydia, mais Colomba le repoussant aussitôt : — Que personne ne la touche ! dit-elle. Croyez-vous que nous ayons envie de nous enfuir ? — Allons, Lydia, ma chère, appuyez-vous sur moi, et ne pleurez pas comme un enfant. Voilà une aventure, mais elle ne finira pas mal ; dans une demi-heure nous serons à souper. Pour ma part, j’en meurs d’envie.

— Que pensera-t-on de moi ? disait tout bas miss Nevil.

— On pensera que vous vous êtes égarée dans le mâquis, voilà tout.

— Que dira le préfet ?… que dira mon père surtout ?

— Le préfet ? vous lui répondrez qu’il se mêle de sa préfecture. Votre père ?… à la manière dont vous causiez avec Orso, j’aurais cru que vous aviez quelque chose à dire à votre père.

Miss Nevil lui serra le bras sans répondre.

— N’est-ce pas, murmura Colomba dans son oreille, que mon frère mérite qu’on l’aime ? Ne l’aimez-vous pas un peu ?

— Ah ! Colomba, répondit miss Nevil souriant malgré sa confusion, vous m’avez trahie, moi qui avais tant de confiance en vous !

  1. C’était le titre que prenait Théodore Poli.