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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/166

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plaisir de me montrer toutes les ruines à dix lieues à la ronde. Or je comptais sur lui pour visiter les environs d’Ille, que je savais riches en monuments antiques et du moyen-âge. Ce mariage, dont on me parlait alors pour la première fois, dérangeait tous mes plans.

Je vais être un trouble-fête, me dis-je. Mais j’étais attendu ; annoncé par M. de P., il fallait bien me présenter.

— Gageons, monsieur, me dit mon guide, comme nous étions déjà dans la plaine, gageons un cigare que je devine ce que vous allez faire chez M. de Peyrehorade ?

— Mais, répondis-je en lui tendant un cigare, cela n’est pas bien difficile à deviner. À l’heure qu’il est, quand on a fait six lieues dans le Canigou, la grande affaire, c’est de souper.

— Oui, mais demain ?… Tenez, je parierais que vous venez à Ille pour voir l’idole ? j’ai deviné cela à vous voir tirer en portrait les saints de Serrabona.

— L’idole ? quelle idole ? Ce mot avait excité ma curiosité.

— Comment ! l’on ne vous a pas conté, à Perpignan, comment M. de Peyrehorade avait trouvé une idole en terre ?

— Vous voulez dire une statue en terre cuite, en argile ?

— Non pas. Oui, bien en cuivre, et il y en a de quoi faire des gros sous. Elle vous pèse autant qu’une cloche d’église. C’est bien avant dans la terre, au pied d’un olivier, que nous l’avons eue.

— Vous étiez donc présent à la découverte ?

— Oui, monsieur. M. de Peyrehorade nous dit, il y a quinze jours, à Jean Coll et à moi, de déraciner un vieil olivier qui était gelé de l’année dernière, car elle a été bien mauvaise, comme vous savez. Voilà donc qu’en travaillant, Jean Coll, qui y allait de tout cœur, il donne un coup de pioche, et j’entends bimm… comme s’il avait tapé sur une cloche. Qu’est-ce que c’est ? que je dis. Nous