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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/217

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étaient trop nombreux, et qu’il fallût jouer des jambes, n’ayez aucune inquiétude : je connais tous les détours, ne vous mettez en peine que de me suivre, et soyez sûr que tout ira bien.

En parlant ainsi, il jeta son manteau sur son épaule gauche de manière à se couvrir la plus grande partie de la figure, mais à se laisser le bras droit libre. Don Juan en fit autant, et tous les deux se dirigèrent vers la rue qu’habitaient doña Fausta et sa sœur. En passant devant le porche d’une église, don Garcia siffla, et son page parut tenant une guitare à la main. Don Garcia la prit et le congédia.

— Je vois, dit don Juan en entrant dans la rue de Valladolid, je vois que vous voulez m’employer à protéger votre sérénade ; soyez sûr que je me conduirai de manière à mériter votre approbation. Je serais renié par Séville, ma patrie, si je ne savais pas garder une rue contre les fâcheux !

— Je ne prétends pas vous poser en sentinelle, répondit don Garcia. J’ai mes amours ici, mais vous y avez aussi les vôtres. À chacun son gibier. Chut ! voici la maison. Vous à cette jalousie, moi à celle-ci, et alerte !

Don Garcia, ayant accordé la guitare, se mit à chanter d’une voix assez agréable une romance où, comme à l’ordinaire, il était question de larmes, de soupirs et de tout ce qui s’ensuit. Je ne sais s’il en était l’auteur.

À la troisième ou quatrième séguidille, les jalousies de deux fenêtres se soulevèrent légèrement, et une petite toux se fit entendre. Cela voulait dire qu’on écoutait. Les musiciens, dit-on, ne jouent jamais lorsqu’on les en prie ou qu’on les écoute. Don Garcia déposa sa guitare sur une borne et entama la conversation à voix basse avec une des femmes qui l’écoutaient.

Don Juan, en levant les yeux, vit à la fenêtre au-dessus de lui une femme qui paraissait le considérer attentive-