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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/278

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tion était ridicule. Rien ne remua ; et le visage de l’enfant ne trahit pas la plus légère émotion.

L’adjudant et sa troupe se donnaient au diable, déjà ils regardaient sérieusement du côté de la plaine, comme disposés à s’en retourner par où ils étaient venus, quand leur chef, convaincu que les menaces ne produiraient aucune impression sur le fils de Falcone, voulut faire un dernier effort et tenter le pouvoir des caresses et des présents.

— Petit cousin, dit-il, tu me parais un gaillard bien éveillé ! Tu iras loin. Mais tu joues un vilain jeu avec moi ; et, si je ne craignais de faire de la peine à mon cousin Mateo, le diable m’emporte si je t’emmènerais avec moi.

— Bah !

— Mais, quand mon cousin sera revenu, je lui conterai l’affaire, et, pour ta peine d’avoir menti, il te donnera le fouet jusqu’au sang.

— Savoir ?

— Tu verras… Mais tiens… sois brave garçon, et je te donnerai quelque chose.

— Moi, mon cousin, je vous donnerai un avis : c’est que si vous tardez davantage, le Gianetto sera dans le mâquis, et alors il faudra plus d’un luron comme vous pour aller l’y chercher.

L’adjudant tira de sa poche une montre d’argent qui valait bien dix écus ; et, remarquant que les yeux du petit Fortunato étincelaient en la regardant, il lui dit, en tenant la montre suspendue au bout de sa chaîne d’acier :

— Fripon ! tu voudrais bien avoir une montre comme celle-ci suspendue à ton col, et tu te promènerais dans les rues de Porto-Vecchio, fier comme un paon ; et les gens te demanderaient : Quelle heure est-il ? et tu leur dirais : Regardez à ma montre.