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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/294

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Les draperies noires, la tête coupée, les flots de sang qui teignaient le plancher, tout avait disparu avec les fantômes ; seulement la pantoufle de Charles conserva une tache rouge, qui seule aurait suffi pour lui rappeler les scènes de cette nuit, si elles n’avaient pas été trop bien gravées dans sa mémoire.

Rentré dans son cabinet, le roi fit écrire la relation de ce qu’il avait vu, la fit signer par ses compagnons, et la signa lui-même. Quelques précautions que l’on prît pour cacher le contenu de cette pièce au public, elle ne laissa pas d’être bientôt connue, même du vivant de Charles XI ; elle existe encore, et, jusqu’à présent, personne ne s’est avisé d’élever des doutes sur son authenticité. La fin en est remarquable : « Et si ce que je viens de relater, dit le roi, n’est pas l’exacte vérité, je renonce à tout espoir d’une meilleure vie, laquelle je puis avoir méritée pour quelques bonnes actions, et surtout pour mon zèle à travailler au bonheur de mon peuple, et à soutenir les intérêts de la religion de mes ancêtres. »

Maintenant, si l’on se rappelle la mort de Gustave III, et le jugement d’Ankarstroem, son assassin, on trouvera plus d’un rapport entre cet évènement et les circonstances de cette singulière prophétie.

Le jeune homme décapité en présence des états aurait désigné Ankarstroem.

Le cadavre couronné serait Gustave III.

L’enfant, son fils et son successeur, Gustave-Adolphe IV.

Le vieillard, enfin, serait le duc de Sudermanie, oncle de Gustave IV, qui fut régent du royaume, puis enfin roi après la déposition de son neveu.


Fin de la Vision de Charles XI.