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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/387

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La comtesse. Vous trouvez ?

Édouard. Vous, cousine, quand je suis parti pour l’Allemagne, je vous avais laissée mince comme un fuseau ; maintenant, mille bombes !… Vous avez encore la taille fine… mais le reste… Diantre ! il paraît que l’air est bon chez vous, et les vivres aussi !

La comtesse, à part. Il est singulier avec ses manières brusques… mais c’est toujours un charmant jeune homme…

Le comte, bas. Comment nous débarrasser de lui ?

Édouard. Ah ça, cousin, j’ai un congé d’un mois ; je viens le passer avec vous, en famille, car je grillais d’envie de vous voir. Nous allons faire des bamboches, n’est-ce pas ? La chasse, la pêche, le diable et son train… Je veux faire les cent dix-neuf coups ; et vous ne reculez pas, n’est-ce pas, quand il s’agit de faire des farces ? Je vous ai vu autrefois, compère !… je dirai à votre femme ce que je sais…

Le comte. Si je lui disais ce que je sais de vous, mauvais sujet !…

Édouard. Je vous le permets. — Dites donc, j’amène deux chiens d’arrêt avec moi, deux véritables épagneuls anglais pure race. Ils viennent d’Allemagne ; ils appartenaient à un prince dont nous avons mis les États sens dessus dessous. Vous verrez. — Ah ! et puis après-demain mes chevaux viendront. J’ai une jument arabe que je veux faire monter à la cousine. — Vous avez des sangliers par ici, n’est-ce pas ? J’ai aussi un chien pour le sanglier ; il vient de Bohême. Oh ! quel chien ! — Mais, cousine, il faudra enfermer vos chats, — autrement il vous les étranglera tous d’un coup de gueule. — Morbleu ! nous allons mener ici joyeuse vie. Vous avez des voisins, n’est-ce pas ? Plus on est de fous, plus on rit. Nous chasserons le matin, nous boirons le champagne de la cousine ; le soir nous ferons de la musique, nous chanterons des duos ;