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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/402

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Édouard, à Bertrand. Vous avez là un beau chien, il est au poil et à la plume.

Bertrand. Oui, monsieur. Outre cela qu’il colletterait bien un homme au besoin, si je lui disais : Défends-moi ! Il m’a été utile dans le temps.

Édouard. Vous devriez me le vendre.

Bertrand. Excusez, monsieur, mon chien n’est pas à vendre. — N’est-ce pas que tu n’es pas à vendre, Médor ? Tu es un bon chien.

Le comte. Allons, messieurs, ne perdons pas de temps : asseyons-nous.

La comtesse, avant de s’asseoir. Édouard, mettez-vous auprès de moi. — Messieurs, je me flatte que vous voudrez bien me permettre d’assister à vos délibérations. Je ne suis qu’une femme, il est vrai, mais je me sens le courage de m’associer a vos dangers. D’ailleurs ce n’est pas la première fois qu’on verrait une femme prendre part à une conjuration. S’il me souvient de mon vieux Plutarque, la fameuse Lœena partagea la gloire d’Harmodius et d’Aristogiton. Elle se coupa la langue plutôt que de révéler les noms de ses amis.

Le chevalier de Thimbray. Ma femme devrait bien en faire autant.

Le baron de Machicoulis. Madame, nous ne vous souhaitons pas le sort de cette Lœena ; ce serait une trop grande perte pour nous. — Mais nous ne doutons pas que vous n’ayez le même courage et le même amour pour vos rois légitimes.

La comtesse. Sans me vanter, je suis assez sûre de moi pour affirmer que la vue même de la mort ne pourrait m’effrayer. Que n’oserait-on pas pour une aussi belle cause ! (Elle va pour s’asseoir et pousse un cri perçant.) Ha !

Édouard. Qu’y a-t-il ?