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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/411

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avec des gentilshommes instruits, c’est bien différent. Écoutez avec respect et en silence ce que vous ne pouvez comprendre.

Bertrand. Je ne dis pas, mais…

Le marquis de Malespine. Nous ne vous demandons pas votre avis.

La comtesse. Messieurs, si nous gardions nos discours pour un autre moment ?… Maintenant nous avons tant de choses importantes à régler ! Vous venez d’élire un président, nous avons bien des points importants à fixer. Par exemple, quel nom portera notre société ? Il nous faut un nom. Dans l’histoire, quand on parlera de nous, il faudra nous nommer.

Le comte de Fierdonjon. Eh bien ! l’histoire dira : Le comte de Fierdonjon, … monsieur des Tournelles…

Le comte. Ma femme veut dire qu’il serait bon que toutes les personnes qui coopèrent à cette entreprise portassent un nom générique, un nom collectif.

Édouard. Ah ! les noms collectifs ; cela me rappelle mon latin : Turba ruit ou ruunt.

Le comte de Fierdonjon. Fort bien ; et pourquoi ne nous appellerions-nous pas les vrais gentilshommes ?

Édouard. Non, il faudrait un nom qui sonnât bien à l’oreille, comme dans les mélodrames : Les chevaliers du Cygne… Les Francs Juges. Si nous nous appelions les chevaliers de la Mort ! cela est beau et harmonieux.

Le chevalier de Thimbray. Pourquoi pas ? Dans le fait, c’est un assez beau nom.

Le comte. Oh ! c’est un peu trop terrible ; j’aimerais mieux…

La comtesse. Prenons plutôt un nom qui rappelle le but de notre conjuration : les amis du malheur. Ce nom vous plaît-il ? N’est-ce pas la cause du malheur que nous défendons ? Ce nom nous ralliera tous les cœurs généreux.