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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/433

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Quand le taureau porte au cou trois ou quatre paires de banderilles, il est temps d’en finir avec lui. Un roulement de tambours se fait entendre ; aussitôt un des chulos désigné d’avance, c’est le matador, sort du groupe de ses camarades. Richement vêtu, couvert d’or et de soie, il tient une longue épée et un manteau écarlate attaché à un bâton, pour qu’on puisse le manier plus commodément. Ce manteau s’appelle la muleta. Il s’avance sous la loge du président, et lui demande avec une révérence profonde la permission de tuer le taureau. C’est une formalité qui le plus souvent n’a lieu qu’une seule fois pour toute la course. Le président, bien entendu, répond affirmativement d’un signe de tête. Alors le matador pousse un viva, fait une pirouette, jette son chapeau à terre, et marche à la rencontre du taureau.

Dans ces courses, il y a des lois aussi bien que dans un duel ; les enfreindre serait aussi infâme que de tuer son adversaire en traître. Par exemple, le matador ne peut frapper le taureau qu’à l’endroit de la réunion de la nuque avec le dos, ce que les Espagnols appellent la croix. Le coup doit être porté de haut en bas, comme on dirait en seconde ; jamais en dessous. Mieux vaudrait mille fois perdre la vie que de frapper un taureau en dessous, de côté ou par derrière. L’épée dont se servent les matadors est longue, forte, tranchante des deux côtés ; la poignée, très-courte, est terminée par une boule que l’on appuie contre la paume de la main. Il faut une grande habitude et une adresse particulière pour se servir de cette arme.

Maintenant, pour bien tuer un taureau, il faut connaître à fond son caractère. De cette connaissance dépend non-seulement la gloire, mais la vie du matador. On le conçoit, il y a autant de caractères différents parmi les

    oiseaux en vie. La pointe de la banderille, en s’enfonçant dans le cou du taureau, coupe le nœud qui ferme le filet, et les oiseaux s’échappent après s’être longtemps débattus aux oreilles de l’animal.