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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/85

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dîner avec nous, Ors’ Anton’, lui dit-il, je vous conseille de ne pas faire attendre plus longtemps mademoiselle Colomba. Et puis il ne fait pas toujours bon à courir les chemins quand le soleil est couché. Pourquoi donc sortez-vous sans fusil ? Il y a de mauvaises gens dans ces environs ; prenez-y garde. Aujourd’hui vous n’avez rien à craindre ; les Barricini amènent le préfet chez eux ; ils l’ont rencontré sur la route, et il s’arrête un jour à Pietranera avant d’aller poser à Corte une première pierre, comme on dit…, une bêtise ! Il couche ce soir chez les Barricini ; mais demain ils seront libres. Il y a Vincentello, qui est un mauvais garnement, et Orlanduccio, qui ne vaut guère mieux… Tâchez de les trouver séparés, aujourd’hui l’un, demain l’autre ; mais méfiez-vous, je ne vous dis que cela.

— Merci du conseil, dit Orso ; mais nous n’avons rien à démêler ensemble ; jusqu’à ce qu’ils viennent me chercher, je n’ai rien à leur dire.

Le bandit tira la langue de côté et la fit claquer contre sa joue d’un air ironique, mais il ne répondit rien. Orso se levait pour partir : — À propos, dit Brandolaccio, je ne vous ai pas remercié de votre poudre ; elle m’est venue bien à propos. Maintenant rien ne me manque, … c’est-à-dire il me manque encore des souliers, … mais je m’en ferai de la peau d’un mouflon un de ces jours.

Orso glissa deux pièces de cinq francs dans la main du bandit.

— C’est Colomba qui t’envoyait la poudre ; voici pour t’acheter des souliers.

— Pas de bêtises, mon lieutenant, s’écria Brandolaccio en lui rendant les deux pièces. Est-ce que vous me prenez pour un mendiant ? J’accepte le pain et la poudre, mais je ne veux rien autre chose.

— Entre vieux soldats, j’ai cru qu’on pouvait s’aider. Allons, adieu !